• Jacques le Fataliste

     

    Denis Diderot

    (1713-1784)

     

    Encyclopédiste
    Philosophe (penseur)
    Écrivain
    Traducteur 

    Critique d'art

    L'Encyclopédie (milieu du XVIIIe)

     

    Diderot a touché à tous les genres littéraires, en s'y montrant souvent novateur.

    Mouvement des Lumières

    (p.298)

    (reprise humanisme + contestation +

    science et commerce)

    Jean Le Rond d’Alembert

    Jean-Jacques Rousseau

    Étienne Bonnot de Condillac

    (abée, philosophe)

     

    Jacques le fataliste (1773) (édition posthume 1796)

    (le personnage de roman du XVIIe siècle à nos jours)

    Roman : Diderot bouleverse les conventions du roman en faisant du personnage de J le maître du récit. Amours et bataille de J racontés à son maître qui s'endort …

    Le début du roman

    Apologue in medias res (immédiatement dans la conversation sans rien connaître).

     

    Écriture du roman :

    - Type théâtral (scène de comédie)

    - Récits enchâssés

    - Aurait pu être réaliste/historique

    Personnages :

    Maître-Valet _ Maître- Jacques le fataliste

    Axes de lecture + Élargissement (le roman doit-il forcement être dicté par des règles ?)

    Comment le fatalisme joue t-il un rôle central dans cet incipit ?

    (I.à travers antihéros II.dans l'action : neutralisation du romanesque III.rejet philo tourné en dérision : satire)

    Comment ce texte illustre t-il les rapports maître-valet ?

    Jacques : un héros de roman ? Un texte original/traditionnel ?

    En quoi ce texte mélange t-il de manière perturbante les genres ?

    En quoi ce texte est-il un incipit de roman au aspect non traditionnels et originaux ?

    I. Une œuvre aux aspect plus théâtraux que romanesque

    a) Forme rédigée théâtrale

    dialogue → narration didascalies → stichomythies

    b) Une scène de comédie

    rapport Maître-Valet → registre satirique → formes de comique (situation, mots ou phrases, gestes)

     

    II. Un roman qui écarte le romanesque

    a) Récits enchâssés

    Aventures de J → Maître-Valet → dialogue autour de l'auteur (comme une hiérarchie)

    b) Frustration des attentes du lecteur

    Épisodes romanesque supprimés (amours, bataille)

    c) Roman historique/réaliste non effectué

    Fontenoy → Situation temporelle et de lieu du récit au maître

     

    III. Un roman qui réclame un lecteur actif et réfléchi pour une portée philosophique

    a) Un lecteur déstabilisé avec lequel l'auteur engage des débats

    dialogue, apostrophe, questions → thèse/argument

    b) Des questions existentielles c) Le fatalisme

     

    IV. Un protagoniste de roman plus antihéros que héros

    a) Une apparence de héros potentiel

    position du protagoniste (raconte son histoire, roman éponyme) → enfant maltraité + histoire d'amour

    bataille, blessure → le maître en attente d'info : J en position de force, dominant

    b) En réalité, un antihéros

    Jacques: nom de paysan ou valet →fatalisme : pas maître de son destin →circonstances romanesque avortés

    psge en fait non dominant : bcp de promesses mais le maître s'endort, J n'est pas un conteur passionnant, le maître bat J comme plâtre (retour à la réalité, a la situation initiale de J qui n’évolue pas)

     

     

    Incipit de Jacques le fataliste, de Diderot, 1773, publication posthume 1796 

     

    Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.

    le maître. – C’est un grand mot que cela.

    jacques. – Mon capitaine ajoutait que chaque balle qui partait d’un fusil avait son billet.

    le maître. – Et il avait raison…

    Après une courte pause, Jacques s’écria : « Que le diable emporte le cabaretier et son cabaret ! »

    le maître. – Pourquoi donner au diable son prochain ? Cela n’est pas chrétien.

    jacques. – C’est que, tandis que je m’enivre de son mauvais vin, j’oublie de mener nos chevaux à l’abreuvoir. Mon père s’en aperçoit ; il se fâche. Je hoche de la tête ; il prend un bâton et m’en frotte un peu durement les épaules. Un régiment passait pour aller au camp devant Fontenoy ; de dépit je m’enrôle. Nous arrivons ; la bataille se donne.

    le maître. – Et tu reçois la balle à ton adresse.

    jacques. – Vous l’avez deviné ; un coup de feu au genou ; et Dieu sait les bonnes et mauvaises aventures amenées par ce coup de feu. Elles se tiennent ni plus ni moins que les chaînons d’une gourmette. Sans ce coup de feu, par exemple, je crois que je n’aurais été amoureux de ma vie, ni boiteux.

    le maître. – Tu as donc été amoureux ?

    jacques. – Si je l’ai été !

    le maître. – Et cela, par un coup de feu ?

    jacques. – Par un coup de feu.

    le maître. – Tu ne m’en as jamais dit un mot.

    jacques. – Je le crois bien.

    le maître. – Et pourquoi cela ?

    jacques. – C’est que cela ne pouvait être dit ni plus tôt ni plus tard.

    le maître. – Et le moment d’apprendre ces amours est-il venu ?

    jacques. – Qui le sait ?

    le maître. – À tout hasard, commence toujours…

    Jacques commença l’histoire de ses amours. C’était l’après-dîner : il faisait un temps lourd ; son maître s’endormit. La nuit les surprit au milieu des champs ; les voilà fourvoyés. Voilà le maître dans une colère terrible et tombant à grands coups de fouet sur son valet, et le pauvre diable disant à chaque coup : « Celui-là était apparemment encore écrit là-haut… »

    Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu’il ne tiendrait qu’à moi de vous faire attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des amours de Jacques, en le séparant de son maître et en leur faisant courir à chacun tous les hasards qu’il me plairait. Qu’est-ce qui m’empêcherait de marier le maître et de le faire cocu ? d’embarquer Jacques pour les îles ? d’y conduire son maître ? de les ramener tous les deux en France sur le même vaisseau ? Qu’il est facile de faire des contes !

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